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Les Petits Potins de L'Histoire

Les Petits Potins de L'Histoire

Bienvenue sur "Petits Potins de L'Histoire" J'espère que vous prendrez plaisir à me lire .... N'hésitez surtout pas à me proposer des idées ou de créer vous même un article, je mettrai en ligne avec plaisir...


Marquis de Sade - Justine ou les malheurs de la vertu (13eme épisode)

Publié par Marquis de Sade sur 19 Mai 2007, 09:33am

Catégories : #Le Marquis de Sade - Justine

Je l'avoue, si jamais je fus ébranlée, ce fut par les séductions de cette femme adroite ; mais une voix, plus forte qu'elle, combattait ses sophismes dans mon cœur ; je m'y rendis, je déclarai à la Dubois que j'étais décidée à ne me jamais laisser corrompre.


- Eh bien ! me répondit-elle, deviens ce que tu voudras, je t'abandonne à ton mauvais sort ; mais si jamais tu te fais pendre, ce qui ne peut te fuir, par la fatalité qui sauve inévitablement le crime en immolant la vertu, souviens-toi du moins de ne jamais parler de nous.


Pendant que nous raisonnions ainsi, les quatre compagnons de la Dubois buvaient avec le braconnier, et comme le vin dispose l'âme du malfaiteur à de nouveaux crimes et lui fait oublier les anciens, nos scélérats n'apprirent pas plus tôt mes résolutions qu'ils se décidèrent à faire de moi une victime, n'en pouvant faire une complice ; leurs principes, leurs mœurs, le sombre réduit où nous étions, l'espèce de sécurité dans laquelle ils se croyaient, leur ivresse, mon âge, mon innocence, tout les encouragea. Ils se lèvent de table, ils tiennent conseil, ils consultent la Dubois, procédés dont le lugubre mystère me fait frissonner d'horreur, et le résultat est enfin un ordre de me prêter sur-le-champ à satisfaire les désirs de chacun des quatre, ou de bonne grâce, ou de force : si je le fais de bonne grâce, ils me donneront chacun un écu pour me conduire où je voudrai ; s'il leur faut employer la violence, la chose se fera tout de même ; mais pour que le secret soit mieux gardé, ils me poignarderont après s'être satisfaits et m'enterreront au pied d'un arbre.


Je n'ai pas besoin de vous peindre l'effet que me fit cette cruelle proposition, madame, vous le comprenez sans peine ; je me jetai aux genoux de la Dubois, je la conjurai d'être une seconde fois ma protectrice : la malhonnête créature ne fit que rire de mes larmes.


- Oh ! parbleu, me dit-elle, te voilà bien malheureuse !... Quoi ! tu frémis de l'obligation de servir successivement à quatre beaux grands garçons comme ceux-là ? Mais sais-tu bien qu'il y a dix mille femmes à Paria qui donneraient la moitié de leur or ou de leurs bijoux pour être à ta place ! Écoute, ajouta-t-elle pourtant après un peu de réflexion, j'ai assez d'empire sur ces drôles-là pour obtenir ta grâce aux conditions que tu t'en rendras digne.

- Hélas ! madame, que faut-il faire ? m'écriai-je en larmes, ordonnez-moi, je suis toute prête.
- Nous suivre, t'enrôler avec nous, et commettre les mêmes choses sans la plus légère répugnance : à ce seul prix je te sauve le reste.
Je ne crus pas devoir balancer ; en acceptant cette cruelle condition, je courais de nouveaux dangers, j'en conviens, mais ils étaient moins pressants que ceux-ci ; peut-être pouvais-je m'en garantir, tandis que rien n'était capable de me soustraire à ceux qui me menaçaient.

- J'irai partout, madame, dis-je promptement à la Dubois, j'irai partout, je vous le promets ; sauvez-moi de la fureur de ces hommes, et je ne vous quitterai de ma vie.
- Enfants, dit la Dubois aux quatre bandits, cette fille est de la troupe, je l'y reçois, je l'y installe ; je vous supplie de ne point lui faire de violence ; ne la dégoûtons pas du métier dès les premiers jours ; vous voyez comme son âge et sa figure peuvent nous être utiles, servons-nous-en pour nos intérêts, et ne la sacrifions pas à nos plaisirs.


Mais les passions ont un degré d'énergie dans l'homme où rien ne peut les captiver. Les gens à qui j'avais affaire n'étaient plus en état de rien entendre, m'entourant tous les quatre, me dévorant de leurs regarda en feu, me menaçant d'une manière plus terrible encore, prêta à me saisir, prêts à m'immoler.

- Il faut qu'elle y passe, dit l'un d'eux, il n'y a plus moyen de lui faire de quartier : ne dirait-on pas qu'il faut faire preuve de vertu pour être dans une troupe de voleurs ? et ne nous servira-t-elle pas aussi bien flétrie que vierge ? J'adoucis les expressions, vous le comprenez, madame, j'affaiblirai de même les tableaux ; hélas ! l'obscénité de leur teinte est telle que votre pudeur souffrirait de leur nu pour le moins autant que ma timidité.


Douce et tremblante victime, hélas ! je frémissais ; à peine avais-je la force de respirer ; à genoux devant tous les quatre, tantôt mes faibles bras s'élevaient pour les implorer, et tantôt pour fléchir la Dubois.

- Un moment, dit un nommé Cœur-de-Fer qui paraissait le chef de la bande, homme de trente-six ans, d'une force de taureau et d'une figure de satyre ; un moment, mes amis ; il est possible de contenter tout le monde ; puisque la vertu de cette petite fille lui est si précieuse, et que, comme dit fort bien la Dubois, cette qualité, différemment mise en action, pourra nous devenir nécessaire, laissons-la-lui ; mais il faut que nous soyons apaisés ; les têtes n'y sont plus, Dubois, et dans l'état on nous voilà, nous t'égorgerions peut-être toi-même si tu t'opposais à nos plaisirs ; que Thérèse se mette à l'instant aussi nue que le jour qu'elle est venue au monde, et qu'elle se prête ainsi tour à tour aux différentes positions qu'il nous plaira d'exiger, pendant que la Dubois apaisera nos ardeurs, fera brûler l'encens sur les autels dont cette créature nous refuse l'entrée.

- Me mettre nue ! m'écrié-je, oh, ciel ! qu'exigez-vous ? Quand je serai livrée de cette manière à vos regards, qui pourra me répondre ?...

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