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Les Petits Potins de L'Histoire

Les Petits Potins de L'Histoire

Bienvenue sur "Petits Potins de L'Histoire" J'espère que vous prendrez plaisir à me lire .... N'hésitez surtout pas à me proposer des idées ou de créer vous même un article, je mettrai en ligne avec plaisir...


Marquis de Sade - Justine ou les malheurs de la vertu (28 eme épisode)

Publié par Marquis de Sade sur 20 Mai 2007, 12:11pm

Catégories : #Le Marquis de Sade - Justine

Deux jeunes garçons que je n'avais pas encore vus, du même âge que les précédents, nous attendaient à la porte de l'appartement de la comtesse : ce fut là que le comte m'apprit qu'il en avait douze que l'on lui changeait tous les ans. Ceux-ci me parurent encore plus jolis qu'aucun de ceux que j'eusse vus précédemment : ils étaient moins énervés que les autres ; nous entrâmes... Toutes les cérémonies que je vais vous détailler ici, madame, étaient celles exigées par le comte : elles s'observaient régulièrement tous les jours, on n'y changeait au plus que le local des saignées.


La comtesse, simplement entourée d'une robe de mousseline flottante, se mit à genoux dès que le comte entra.
- Êtes-vous prête ? lui demanda son époux.
- A tout, monsieur, répondit-elle humblement : vous savez bien que je suis votre victime, et qu'il ne tient qu'à vous d'ordonner.



Alors M. de Gernande me dit de déshabiller sa femme et de la lui conduire. Quelque répugnance que j'éprouvasse à toutes ces horreurs, vous le savez, madame, je n'avais d'autre parti que la plus entière résignation. Ne me regardez jamais, je vous en conjure, que comme une esclave dans tout ce que j'ai raconté et tout ce qui me reste à vous dire : je ne me prêtais que lorsque je ne pouvais faire autrement, mais je n'agissais de bon gré dans quoi que ce pût être.



J'enlevai donc la simarre de ma maîtresse et la conduisis nue auprès de son époux, déjà placé dans un grand fauteuil : au fait du cérémonial, elle s'éleva sur ce fauteuil, et alla d'elle-même lui présenter à baiser cette partie favorite qu'il avait tant fêtée dans moi, et qui me paraissait l'affecter également avec tous les êtres et avec tous les sexes.

- Écartez donc, madame, lui dit brutalement le comte...


Et il fêta longtemps ce qu'il désirait voir en faisant prendre successivement différentes positions. Il entrouvrait, il resserrait ; du bout du doigt, ou de la langue, il chatouillait l'étroit orifice ; et bientôt, entraîné par la férocité de ses passions, il prenait une pincée de chair, la comprimait et l'égratignait. A mesure que la légère blessure était faite, sa bouche se portait aussitôt sur elle. Pendant ces cruels préliminaires, je contenais sa malheureuse victime, et les deux jeunes garçons tout nus se relayaient auprès de lui ; à genoux tour à tour entre ses jambes, ils se servaient de leur bouche pour l'exciter. Ce fut alors que je via, non sans une étonnante surprise, que ce géant, cette espèce de monstre, dont le seul aspect effrayait, était cependant à peine un homme : la plus mince, la plus légère excroissance de chair, nu, pour que la comparaison soit plus juste, ce qu'on verrait à un enfant de trois ans, était au plus ce qu'on apercevait chez cet individu si énorme et si corpulé de partout ailleurs ; mais ses sensations n'en étaient pas moins vives, et chaque vibration du plaisir était en lui une attaque de spasme. Après cette première séance, il s'étendit sur le canapé, et voulut que sa femme, à cheval sur lui, continuât d'avoir le derrière posé sur son visage, pendant qu'avec sa bouche elle lui rendrait, par le moyen de la succion, les mêmes services qu'il venait de recevoir des jeunes Ganymèdes, lesquels étaient, avec les mains, excités de droite et de gauche par lui ; les miennes travaillaient pendant ce temps-là sur son derrière : je le chatouillais, je le polluais dans tous les sens. Cette attitude, employée plus d'un quart d'heure, ne produisant encore rien, il fallut la changer ; j'étendis la comtesse, par l'ordre de son mari, sur une chaise longue, couchée sur le dos, ses cuisses dans le plus grand écartement. La vue de ce qu'elle entrouvrait alors mit le comte dans une espèce de rage ; il considère... ses regards lancent des feux, il blasphème ; il se jette comme un furieux sur sa femme, la pique de sa lancette en cinq ou six endroits du corps ; mais toutes ces plaies étaient légères, à peine en sortait-il une ou deux gouttes de sang. Ces premières cruautés cessèrent enfin pour faire place à d'autres. Le comte se rassoit, il laisse un instant respirer sa femme ; et s'occupant de ses deux mignons, il les obligeait à se sucer mutuellement, ou bien il les arrangeait de manière que dans le temps qu'il en suçait un, un autre le suçait, et que celui qu'il suçait revenait de sa bouche rendre le même service à celui dont il était sucé : le comte recevait beaucoup, mais il ne donnait rien. Sa satiété, son impuissance était telle, que les plus grands efforts ne parvenaient même pas à le tirer de son engourdissement : il paraissait ressentir des titillations très violentes, mais rien ne se manifestait ; quelquefois il m'ordonnait de sucer moi-même ses gitons et de venir aussitôt rapporter dans sa bouche l'encens que je recueillerais. Enfin il les lance l'un après l'autre vers la malheureuse comtesse. Ces jeunes gens l'approchent, ils l'insultent, ils poussent l'insolence jusqu'à la battre, jusqu'à la souffleter, et plus ils la molestent, plus ils sont loués, plus ils sont encouragés par le comte.




Gernande alors s'occupait avec moi ; j'étais devant lui, mes reins à hauteur de son visage, et il rendait hommage à son dieu, mais il ne me molesta point ; je ne sais pourquoi il ne tourmenta non plus ses Ganymèdes : il n'en voulait qu'à la seule comtesse. Peut-être l'honneur de lui appartenir devenait-il un titre pour être maltraitée par lui ; peut-être n'était-il vraiment ému de cruauté qu'en raison des liens qui prêtaient de la force aux outrages. On peut tout supposer dans de telles têtes, et parier presque toujours que ce qui aura le plus l'air du crime sera ce qui les enflammera davantage. Il nous place enfin, ses jeunes gens et moi, aux côtés de sa femme, entremêlés les uns avec les autres : ici un homme, là une femme, et tous les quatre lui présentant le derrière ; il examine d'abord en face, un peu dans l'éloignement, puis il se rapproche, il touche, il compare, il caresse ; les jeunes gens et moi n'avions rien à souffrir, mais chaque fois qu'il arrivait à sa femme, il la tracassait, la vexait d'une ou d'autre manière. La scène change encore : il fait mettre à plat-ventre la comtesse sur un canapé, et prenant chacun des jeunes gens l'un après l'autre, il les introduit lui-même dans la route étroite offerte par l'attitude de Mme de Gernande : il leur permet de s'y échauffer, mais ce n'est que dans sa bouche que le sacrifice doit se consommer ; il les suce également à mesure qu'ils sortent. Pendant que l'un agit, il se fait sucer par l'autre, et sa langue s'égare au trône de volupté que lui présente l'agent. Cet acte est long, le comte s'en irrite, il se relève, et veut que je remplace la comtesse ; je le supplie instamment de ne point l'exiger, il n'y a pas moyen. Il place sa femme sur le dos le long du canapé, me fait coller sur elle, les reins tournés vers lui, et là, il ordonne à ses mignons de me sonder par la route défendue : il me les présente, ils ne s'introduisent que guidés par ses mains ; il faut qu'alors j'excite la comtesse de mes doigts, et que je la baise sur la bouche. Pour lui, son offrande est la même ; comme chacun de ses mignons ne peut agir qu'en lui montrant un des plus doux objets de son culte, il en profite de son mieux, et ainsi qu'avec la comtesse, il faut que celui qui me perfore, après quelques allées et venues, aille faire couler dans sa bouche l'encens allumé pour moi. Quand les jeunes gens ont fini, il se colle sur mes reins et semble vouloir les remplacer.

- Efforts superflus ! s'écrie-t-il... ce n'est pas là ce qu'il me faut !... au fait !... au fait !... quelque piteux que paraisse mon état, je n'y tiens plus... Allons, comtesse, vos bras !




Il la saisit alors avec férocité, il la place comme il avait fait de moi, les bras soutenus au plancher par deux rubans noirs : je suis chargée du soin de poser les bandes ; il visite les ligatures : ne les trouvant pas assez comprimées, il les resserre, afin, dit-il, que le sang sorte avec plus de force ; il tâte les veines, et les pique toutes deux presque en même temps. Le sang jaillit très loin : il s'extasie ; et retournant se placer en face, pendant que ces deux fontaines coulent, il me fait mettre à genoux entre ses jambes, afin que je suce ; il en fait autant à chacun de ses gitons, tour à tour, sans cesser de porter ses yeux sur ces jets de sang qui l'enflamment. Pour moi, sûre que l'instant où la crise qu'il espère aura lieu, sera l'époque de la cessation des tourments de la comtesse, je mets tous mes soins à déterminer cette crise, et je deviens, ainsi que vous le voyez, madame, catin par bienfaisance et libertine par vertu. Il arrive enfin, ce dénouement si attendu, je n'en connaissais ni les dangers ni la violence ; la dernière fois qu'il avait eu lieu, j'étais évanouie... Oh ! madame, quel égarement ! Gernande était près de dix minutes dans le délire, en se débattant comme un homme qui tombe d'épilepsie, et poussant des cris qui se seraient entendus d'une lieue ; ses jurements étaient excessifs, et frappant tout ce qui l'entourait, il faisait des efforts effrayants. Les deux mignons sont culbutés ; il veut se précipiter sur sa femme, je le contiens ; j'achève de le pomper : le besoin qu'il a de moi fait qu'il me respecte ; je le mets enfin à la raison, en le dégageant de ce fluide embrasé, dont la chaleur, dont l'épaisseur, et surtout l'abondance, le mettent en un tel état de frénésie, que je croyais qu'il allait expirer ; sept ou huit cuillers eussent à peine contenu la dose, et la plus épaisse bouillie en peindrait mal la consistance ; avec cela point d'érection, l'apparence même de l'épuisement : voilà de ces contrariétés qu'expliqueront mieux que moi les gens de l'art. Le comte mangeait excessivement, et ne dissipait ainsi que chaque fois qu'il saignait sa femme, c'est-à-dire tous les quatre jours. Était-ce là la cause de ce phénomène ? Je l'ignore, et n'osant pas rendre raison de ce que je n'entends pas, je me contenterai de dire ce que j'ai vu.




Cependant je vole à la comtesse, j'étanche son sang, je la délie et la pose sur un canapé dans un grand état de faiblesse ; mais le comte, sans s'en inquiéter, sans daigner jeter même un regard sur cette malheureuse victime de sa rage, sort brusquement avec ses mignons, me laissant mettre ordre à tout comme je le voudrai. Telle est la fatale indifférence qui caractérise, mieux que tout, l'âme d'un véritable libertin : n'est-il emporté que par la fougue des passions ? le remords sera peint sur son visage, quand il verra dans l'état du calme les funestes effets du délire ; son âme est elle entièrement corrompue de telles suites ne l'effrayeront point : il les observera sans peine comme sans regret, peut-être même encore avec quelque émotion des voluptés infâmes qui les produisirent.




Je fis coucher Mme de Gernande. Elle avait à ce qu'elle me dit, perdu beaucoup plus cette fois-ci qu'à l'ordinaire ; mais tant de soins, tant de restaurants lui furent prodigués, qu'il n'y paraissait plus le surlendemain. Le même soir, dès que je n'eus plus rien à faire auprès de la comtesse, Gernande me fit dire de venir lui parler. Il soupait ; à ce repas fait par lui avec bien plus d'intempérance encore que le dîner, il fallait que je le servisse ; quatre de ses mignons se mettaient à table avec lui, et là, régulièrement tous les soirs, le libertin buvait jusqu'à l'ivresse : mais vingt bouteilles des plus excellents vins suffisaient à peine pour y réussir, et je lui en ai souvent vu vider trente. Soutenu par ses mignons, le débauché allait ensuite se mettre au lit chaque soir avec deux d'entre eux. Mais il n'y mettait rien du sien, et tout cela n'était plus que des véhicules qui le disposaient à la grande scène.




Cependant j'avais trouvé le secret de me mettre on ne saurait mieux dans l'esprit de cet homme : il avouait naturellement que peu de femmes lui avaient autant plu. J'acquis de là des droits à sa confiance, dont je ne profitai que pour servir ma maîtresse.




Un matin que Gernande m'avait fait venir dans son cabinet pour me faire part de quelques nouveaux projets de libertinage, après l'avoir bien écouté, bien applaudi, je voulus, le voyant assez calme, essayer de l'attendrir sur le sort de sa malheureuse épouse :
- Est-il possible, monsieur, lui disais-je, qu'on puisse traiter une femme de cette manière, indépendamment de tous ses liens avec vous ? Daignez donc réfléchir aux grâces touchantes de son sexe.
- Oh ! Thérèse ! avec de l'esprit, me répondit le comte, est-il possible de m'apporter pour raisons de calme, celles qui positivement m'irritent le mieux ? Écoute-moi, chère fille, poursuivit-il en me faisant placer auprès de lui, et quelles que soient les invectives que tu vas m'entendre proférer contre ton sexe, point d'emportement ; des raisons, je m'y rendrai, si elles sont bonnes.



De quel droit, je te prie, prétends-tu, Thérèse, qu'un mari soit obligé de faire le bonheur de sa femme ? et qu
els titres ose alléguer cette femme pour l'exiger de son mari ? La nécessité de se rendre mutuellement tels ne peut légalement exister qu'entre deux êtres également pourvus de la faculté de se nuire, et par conséquent entre deux êtres d'une même force. Une telle association ne saurait avoir lieu, qu'il se forme aussitôt un pacte entre ces deux êtres de ne faire chacun vis-à-vis l'un de l'autre que la sorte d'usage de leur force qui ne peut nuire à aucun des deux ; mais cette ridicule convention ne saurait assurément exister entre l'être fort et l'être faible. De quel droit ce dernier exigera-t-il que l'autre le ménage ? et par quelle imbécillité le premier s'y engagerait-il ? Je puis consentir à ne pas faire usage de mes forces avec celui qui peut se faire redouter par les siennes ; mais par quel motif en amoindrirais-je les effets avec l'être que m'asservit la nature ? Me répondrez-vous : par pitié ? Ce sentiment n'est compatible qu'avec l'être qui me ressemble, et comme il est égoïste, son effet n'a lieu qu'aux conditions tacites que l'individu qui m'inspirera de la commisération en aura de même à mon égard : mais si je l'emporte constamment sur lui par ma supériorité, sa commisération me devenant inutile, je ne dois jamais, pour l'avoir, consentir à aucun sacrifice. Ne serais-je pas une dupe d'avoir pitié du poulet qu'on égorge pour mon dîner ? Cet individu trop au-dessous de moi, privé d'aucune relation avec moi, ne put jamais m'inspirer aucun sentiment. Or, les rapports de l'épouse avec le mari ne sont pas d'une conséquence différente que celle du poulet avec moi ; l'un et l'autre sont des bêtes de ménage dont il faut se servir, qu'il faut employer à l'usage indiqué par la nature, sans les différencier en quoi que ce puisse être. Mais, je le demande, si l'intention de la, nature était que votre sexe fût créé pour le bonheur du nôtre, et vice versa, aurait-elle fait, cette nature aveugle, tant d'inepties dans la construction de l'un et l'autre de ces sexes ? leur eût-elle mutuellement prêté des torts si graves, que l'éloignement et l'antipathie mutuelle en dussent infailliblement résulter ? Sans aller chercher plus loin des exemples, avec l'organisation que tu me connais, dis-moi, je te prie, Thérèse, quelle est la femme que je pourrais rendre heureuse, et réversiblement, quel homme pourra trouver douce la jouissance d'une femme, quand il ne sera pas pourvu des gigantesques proportions nécessaires à la contenter ? Seront-ce, à ton avis, les qualités morales qui le dédommageront des défauts physiques ? Et quel être raisonnable, en connaissant une femme à fond, ne s'écriera pas avec Euripide : Celui des dieux qui a mis la femme au monde, peut se vanter d'avoir produit la plus mauvaise de toutes les créatures, et la plus fâcheuse pour l'homme ? S'il est donc prouvé que les deux sexes ne se conviennent point du tout mutuellement, et qu'il n'est pas une plainte fondée, faite par l'un, qui ne convienne aussitôt à l'autre, il est donc faux, de ce moment-là, que la nature les ait créés pour leur réciproque bonheur. Elle peut leur avoir permis le désir de se rapprocher pour concourir au but de la propagation, mais nullement celui de se lier à dessein de trouver leur félicité l'un dans l'autre. Le plus faible n'ayant donc aucun titre à réclamer pour obtenir la pitié du plus fort, ne pouvant plus lui opposer qu'il peut trouver son bonheur en lui, n'a plus d'autre parti que la soumission ; et comme, malgré la difficulté de ce bonheur mutuel, il est dans les individus de l'un et de l'autre sexe de ne travailler qu'à se la procurer, le plus faible doit réunir sur lui, par cette soumission, la seule dose de félicité qu'il lui soit possible de recueillir, et le plus fort doit travailler à la sienne, par telle voie d'oppression qu'il lui plaira d'employer, puisqu'il est prouvé que le seul bonheur de la force est dans l'exercice des facultés du fort, c'est-à-dire dans la plus complète oppression. Ainsi, ce bonheur que les deux sexes ne peuvent trouver l'un avec l'autre, ils le trouveront, l'un par son obéissance aveugle, l'autre par la plus entière énergie de sa domination. Eh ! si ce n'était pas l'intention de la nature que l'un des sexes tyrannisât l'autre, ne les aurait-elle pas créés de force égale ? En rendant l'un inférieur à l'autre en tout point, n'a-t-elle pas suffisamment indiqué que sa volonté était que le plus fort usât des droits qu'elle lui donnait ? plus celui-ci étend son autorité, plus il rend malheureuse, au moyen de cela, la femme liée à son sort, et mieux il remplit les vues de la nature. Ce n'est pas sur les plaintes de l'être faible qu'il faut juger le procédé ; les jugements ainsi ne pourraient être que vicieux, puisque vous n'emprunteriez, en les faisant, que les idées du faible : il faut juger l'action sur la puissance du fort, sur l'étendue qu'il a donnée à sa puissance, et quand les effets de cette force se sont répandus sur une femme, examiner alors ce qu'est une femme, la manière dont ce sexe méprisable a été vu, soit dans l'antiquité, soit de nos jours, par les trois quarts des peuples de la terre.






Or, que vois-je en procédant de sang-froid à cet examen ? Une créature chétive, toujours inférieure à l'homme, infiniment moins belle que lui, moins ingénieuse, moins sage, constituée d'une manière dégoûtante, entièrement opposée à ce qui peut plaire à l'homme, à ce qui doit le délecter..., un être malsain les trois quarts de sa vie, hors d'état de satisfaire son époux tout le temps où la nature le contraint à l'enfantement, d'une humeur aigre, acariâtre, impérieuse ; tyran, si on lui laisse des droits, bas et rampant si on le captive ; mais toujours faux, toujours méchant, toujours dangereux ; une créature si perverse enfin, qu'il fut très sérieusement agité dans le concile de Mâcon, pendant plusieurs séances, si cet individu bizarre, aussi distinct de l'homme que l'est de l'homme le singe des bois, pouvait prétendre au titre de créature humaine, et si l'or. pouvait raisonnablement le lui accorder. Mais ceci serait-il une erreur du siècle, et la femme est-elle mieux vue chez ceux qui précédèrent ? Les Perses, les Mèdes, les Babyloniens, les Grecs, les Romains honoraient-ils ce sexe odieux dont nous osons aujourd'hui faire notre idole ? Hélas ! je le vois opprimé partout, partout rigoureusement éloigné des affaires, partout méprisé, avili, enfermé ; les femmes, en un mot, partout traitées comme des bêtes dont on se sert à l'instant du besoin, et qu'on recèle aussitôt dans le bercail. M'arrêté-je un moment à Rome, j'entends Caton le gage me crier du sein de l'ancienne capitale du monde : Si les hommes étaient sans femmes, ils converseraient encore avec les dieux. J'entends un censeur romain commencer sa harangue par ces mots : Messieurs, s'il nous était possible de vivre sans femme, nous connaîtrions dès lors le vrai bonheur. J'entends les poètes chanter sur les théâtres de la Grèce : Ô Jupiter ! quelle raison put t'obliger de créer les femmes ? Ne pouvais-tu donner l'être aux humains par des voies meilleures et plus sages, par des moyens, en un mot, qui nous eussent évité le fléau des femmes ? Je vois ces mêmes peuples, les Grecs, tenir ce sexe dans un tel mépris qu'il faut des lois pour obliger un Spartiate à la propagation, et qu'une des peines de ces sacs républiques est de contraindre un malfaiteur a s'habiller en femme, c'est-à-dire à se revêtir comme l'être le plus vil et le plus méprisé qu'elles connaissent.





Mais sans aller chercher des exemples dans des siècles si loin de nous, de quel œil ce malheureux sexe est-il vu même encore sur la surface du globe ? comment y est-il traité ? Je le vois, enfermé dans toute l'Asie, y servir en esclave aux caprices barbares d'un despote qui le moleste, qui le tourmente, et qui se fait un jeu de ses douleurs. En Amérique, je vois des peuples naturellement humains, les Esquimaux, pratiquer entre hommes tous les actes possibles de bienfaisance, et traiter les femmes avec toute la dureté imaginable ; je les vois humiliées, prostituées aux étrangers chus une partie de l'univers, servir de monnaie dans une autre. En Afrique, bien plus avilies sans doute, je les vois exerçant le métier de bêtes de somme, labourer la terre, l'ensemencer et ne servir leurs maris qu'à genoux. Suivrai-je le capitaine Cook dans ses nouvelles découvertes ? L'île charmante d'Otaïti, où la grossesse est un crime qui vaut quelquefois la mort à la mère, et presque toujours à l'enfant, m'offrira-t-elle des femmes plus heureuses ? Dans d'autres îles découvertes par ce même marin, je les vois battues, vexées par leurs propres enfants, et le mari lui-même se joindre à sa famille pour les tourmenter avec plus de rigueur.





Oh, Thérèse ! ne t'étonne point de tout cela, ne te surprends pas davantage du droit général qu'eurent, de tous les temps, les époux sur leurs femmes : plus les peuples sont rapprochés de la nature, mieux ils en suivent les lois ; la femme ne peut avoir avec son mari d'autres rapports que celui de l'esclave avec son maître ; elle n'a décidément. aucun droit pour prétendre à des titres plus chers. Il ne faut pas confondre avec des droits, de ridicules abus qui, dégradant notre sexe, élevèrent un instant le vôtre : il faut rechercher la cause de ces abus, la dire, et n'en revenir que plus constamment après aux sages conseils de la raison. Or la voici. Thérèse, cette cause du respect momentané qu'obtint autrefois votre sexe, et qui abuse encore aujourd'hui, sans qu'ils s'en doutent, ceux qui prolongent ce respect.





Dans les Gaules jadis, c'est-à-dire dans cette seule partie du monde qui ne traitait pas totalement les femmes en esclaves, elles étaient dans l'usage de prophétiser, de dire la bonne aventure : le peuple s'imagina qu'elles ne réussissaient à ce métier qu'en raison du commerce intime qu'elles avaient sans doute avec les dieux ; de là elles furent, pour ainsi dire, associées au sacerdoce, et jouirent d'une partie de la considération attachée aux prêtres. La Chevalerie s'établit en France sur ces préjugés, et les trouvant favorables à son esprit, elle les adopta ; mais il en fut de cela comme de tout : les causes s'éteignirent et les effets se conservèrent ; la Chevalerie disparut, et les préjugés qu'elle avait nourris s'accrurent. Cet ancien respect accordé à des titres chimériques ne put pas même s'anéantir, quand se dissipa ce qui fondait ces titres : on ne respecta plus des sorcières, mais on vénéra des catins, et ce qu'il y eut de pis, on continua de s'égorger pour elles. Que de telles platitudes cessent d'influer sur l'esprit des philosophes, et, remettant les femmes à leur véritable place, qu'ils ne voient en elles, ainsi que l'indique la nature, ainsi que l'admettent les peuples les plus sages, que des individus créés pour leurs plaisirs, soumis à leurs caprices, dont la faiblesse et la méchanceté ne doivent mériter d'eux que des mépris.





Mais non seulement, Thérèse, tous les peuples de la terre jouirent des droits les plus étendus sur leurs femmes, il s'en trouva même qui les condamnaient à la mort dès qu'elles venaient au monde, ne conservant absolument que le petit nombre nécessaire à la reproduction de l'espèce. Les Arabes, connus sous le nom de Koreihs, enterraient leurs filles dès l'âge de sept ans, sur une montagne auprès de La Mecque, parce qu'un sexe aussi vil leur paraissait, disaient-ils, indigne de voir le jour. Dans le sérail du roi d'Achem, pour le seul soupçon d'infidélité, pour la plus légère désobéissance dans le service des voluptés du prince, ou sitôt qu'elles inspirent le dégoût, les plus affreux supplices leur servent. à l'instant de punition. Aux bords du Gange, elles sont obligées de s'immoler elles-mêmes sur les cendres de leurs époux, comme inutiles au monde, dès que leurs maîtres n'en peuvent plus jouir. Ailleurs on les chasse comme des bêtes fauves, c'est un honneur que d'en tuer beaucoup ; en Égypte, on les immole aux dieux ; à Formose, on les foule aux pieds si elles deviennent enceintes. Les lois germaines ne condamnaient qu'à dix écus d'amende celui qui tuait une femme étrangère, rien si c'était la sienne, ou une courtisane. Partout, en un mot, je le répète, partout je vois les femmes humiliées, molestées, partout sacrifiées à la superstition des prêtres, à la barbarie des époux ou aux caprices des libertins. Et parce que j'ai le malheur de vivre chez un peuple encore assez grossier pour n'oser abolir le plus ridicule des préjugés, je me priverais des droits que la nature m'accorde sur ce sexe ! je renoncerais à tous les plaisirs qui naissent de ces droits !... Non, non, Thérèse, cela n'est pas juste : je voilerai ma conduite, puisqu'il le faut, mais je me dédommagerai en silence, dans la retraite où je m'exile, des chaînes absurdes où la législation me condamne, et là, je traiterai ma femme comme j'en trouve le droit dans tous les codes de l'univers, dans mon cœur et dans la nature.

- Oh ! monsieur, lui dis-je, votre conversion est impossible.
- Aussi ne te conseillé-je pas de l'entreprendre, Thérèse, me répondit Gernande : l'arbre est trop vieux pour être plié ; on peut faire à mon âge quelques pas de plus dans la carrière du mal, mais pas un seul dans celle du bien. Mes principes et mes goûts firent mon bonheur depuis mon enfance, ils furent toujours l'unique base de ma conduite et de mes actions : peut-être irai-je plus loin, je sens que c'est possible, mais pour revenir, non ; j'ai trop d'horreur pour les préjugés des hommes, je hais trop sincèrement leur civilisation, leurs vertus et leurs dieux, pour y jamais sacrifier mes penchants.






De ce moment je vis bien que je n'avais plus d'autre parti à prendre, soit pour me tirer de cette maison, soit pour délivrer la comtesse, que d'user de ruse et de me concerter avec elle.





Depuis un an que j'étais dans sa maison, je lui avais trop laissé lire dans mon cœur pour qu'elle ne se convainquît pas du désir que j'avais de la servir, et pour qu'elle ne devinât pas ce qui m'avait fait d'abord agir différemment. Je m'ouvris davantage, elle se livra : nous convînmes de nos plans. Il s'agissait d'instruire sa mère, de lui dessiller les yeux sur les infamies du comte. Mme de Gernande ne doutait pas que cette dame infortunée n'accourût aussitôt briser les chaînes de sa fille ; mais comment réussir, nous étions si bien renfermées, tellement gardées à vue ! Accoutumée à franchir des remparts, je mesurai des yeux ceux de la terrasse : à peine avaient-ils trente pieds ; aucune clôture ne parut à mes yeux ; je crois qu'une fois en bas de ces murailles, on se trouvait dans les routes du bois ; mais la comtesse arrivée de nuit dans cet appartement, et n'en étant jamais sortie, ne put rectifier mes idées. Je consentis à essayer l'escalade. Mme de Gernande écrivit à sa mère la lettre du monde la plus faite pour l'attendrir et la déterminer à venir au secours d'une fille aussi malheureuse ; je mis la lettre dans mon sein, j'embrassai cette chère et intéressante femme, puis aidée de nos draps, dès qu'il fut nuit, je me laissai glisser au bas de cette forteresse. Que devins-je, ô ciel ! quand je reconnus qu'il s'en fallait bien que je fusse dehors de l'enceinte ! Je n'étais que dans le parc, et dans un parc environné de murs dont la vue m'avait été dérobée par l'épaisseur des arbres et par leur quantité : ces murs avaient plus de quarante pieds de haut, tout garnis de verre sur la crête, et d'une prodigieuse épaisseur... Qu'allais-je devenir ? Le jour était prêt à paraître : que penserait-on de moi en me voyant dans un lieu où je ne pouvais me trouver qu'avec le projet sûr d'une évasion ? Pouvais-je me soustraire à la fureur du comte ? Quelle apparence y avait-il que cet ogre ne s'abreuvât pas de mon sang pour me punir d'une telle faute ? Revenir était impossible, la comtesse avait retiré les draps ; frapper aux portes, n'était se trahir encore plus sûrement : peu s'en fallut alors que la tête ne me tournât totalement et que je ne cédasse avec violence aux effets de mon désespoir. Si j'avais reconnu quelque pitié dans fume du comte, l'espérance peut-être m'eût-elle un instant abusée, mais un tyran, un barbare, un homme qui détestait les femmes, et qui, disait-il, cherchait depuis longtemps l'occasion d'en immoler une, en lui faisant perdre son sang, goutte à goutte, pour voir combien d'heures elle pourrait vivre ainsi... J'allais incontestablement servir à l'épreuve. Ne sachant donc que devenir, trouvant des dangers partout, je me jetai au pied d'un arbre, décidée à attendre mon sort, et me résignant en silence aux volontés de l'Éternel... Le jour paraît enfin : juste ciel ! le premier objet qui se présente à moi... c'est le comte lui-même : il avait fait une chaleur affreuse pendant la nuit ; il était sorti pour prendre l'air. Il croit se tromper, il croit voir un spectre, il recule : rarement le courage est la vertu des traîtres. Je me lève tremblante, je me précipite à ses genoux.

- Que faites-vous là, Thérèse ? me dit-il.
- Oh ! monsieur, punissez-moi, répondis-je, je suis coupable, et n'ai rien à répondre.
Malheureusement j'avais dans mon effroi oublié de déchirer la, lettre de la comtesse : il la soupçonne, il me la demande, je veux nier ; mais Gernande, voyant cette fatale lettre dépasser le mouchoir de mon sein, la saisit, la dévore, et m'ordonne de le suivre.
Nous rentrons dans le château par un escalier dérobé donnant sous les voûtes ; le plus grand silence y régnait encore ; après quelques détours, le comte ouvre un cachot et m'y jette.
- Fille imprudente, me dit-il alors, je vous avais prévenue que le crime que vous venez de commettre se punissait ici de mort : préparez-vous donc à subir le châtiment qu'il vous a plu d'encourir. En sortant de table, demain, je viendrai vous expédier.
Je me précipite de nouveau à ses genoux, mais me saisissant par les cheveux, il me traîne à terre, me fait faire ainsi deux ou trois fois le tour de ma prison, et finit par me précipiter contre les murs de manière à m'y écraser.
- Tu mériterais que je t'ouvrisse à l'instant les quatre veines, dit-il en fermant la porte, et si je retarde ton supplice, sois bien sûre que ce n'est que pour le rendre plus horrible. Il est dehors, et moi dans la plus violente agitation. Je ne vous peins point la nuit que je passai ; les tourments de l'imagination joints aux maux physiques que les premières cruautés de ce monstre venaient de me faire éprouver, la rendirent une des plus affreuses de ma vie. On ne se figure point les angoisses d'un malheureux qui attend son supplice à toute heure, à qui l'espoir est enlevé, et qui ne sait pas si la minute où il respire ne sera pas la dernière de ses jours. Incertain de son supplice, il se le représente sous mille formes plus horribles les unes que les autres ; le moindre bruit qu'il entend lui paraît être celui de ses bourreaux ; son sang s'arrête, son cœur s'éteint, et le glaive qui va terminer ses jours est moins cruel que ces funestes instants où la mort le menace.






Il est vraisemblable que le comte commença par se venger de sa femme ; l'événement qui me sauva va vous en convaincre comme moi : il y avait trente-six heures que j'étais dans la crise que je viens de vous peindre sans qu'on m'eût apporté aucun secours, lorsque ma porte s'ouvrit et que le comte parut ; il était seul, la fureur étincelait dans ses yeux.
- Vous devez bien vous douter, me dit-il, du genre de mort que vous allez subir : il faut que ce sang pervers s'écoule en détail ; vous serez saignée trois fois par jour, je veux voir combien de temps vous pourrez vivre de cette façon. C'est une expérience que je brûlais de faire, vous le savez, je vous remercie de m'en fournir les moyens.
Et le monstre, sans s'occuper pour lors d'autres passions que de sa vengeance, me fait tendre un bras, me pique, et bande la plaie après deux palettes de sang. Il avait à peine fini, que des cris se font entendre.
- Monsieur !... monsieur ! lui dit en accourant une des vieilles qui nous servaient... venez au plus vite, Madame se meurt, elle veut vous parler avant de rendre l'âme.
Et la vieille revole auprès de sa maîtresse.



Quelque accoutumé que l'on soit au crime, il est rare que la nouvelle de son accomplissement n'effraye celui qui vient de le commettre. Cette terreur venge la vertu : tel est l'instant où ses droits se reprennent. Gernande sort égaré, il oublie de fermer les portes. Je profite de la circonstance, quelque affaiblie que je sois par une diète de plus de quarante heures et par une saignée : je m'élance hors de mon cachot, tout est ouvert, je traverse les cours, et me voilà dans la forêt sans qu'on m'ait aperçue. « Marchons, me dis-je, marchons avec courage ; si le fort méprise le faille, il est un Dieu puissant qui protège celui-ci et qui ne l'abandonne jamais. » Pleine de ces idées, j'avance avec ardeur, et avant que la nuit ne soit close, je me trouve dans une chaumière à quatre lieues du château. Il m'était resté quelque argent, je me fis soigner de mon mieux : quelques heures me rétablirent. Je partis dès le point du jour, et m'étant fait montrer la route, renonçant à tous projets de plaintes, soit anciennes, soit nouvelles, je me fis diriger vers Lyon où j'arrivai le huitième jour, bien faible, bien souffrante, mais heureusement sans être poursuivie. Là je ne songeai qu'à me rétablir avant de gagner Grenoble, où j'avais toujours dans l'idée que le bonheur m'attendait.




Un jour que je jetais par hasard les yeux sur une gazette étrangère, quelle fut ma surprise d'y reconnaître encore le crime couronné, et d'y voir au pinacle un des principaux auteurs de mes maux ! Rodin, ce chirurgien de Saint-Marcel, cet infâme qui m'avait si cruellement punie d'avoir voulu lui épargner le meurtre de sa fille, venait, disait ce journal, d'être nommé premier chirurgien de l'Impératrice de Russie, avec des appointements considérables. « Qu'il soit fortuné, le scélérat, me dis-je, qu'il le soit, dès que la providence le veut ! et toi, souffre, malheureuse créature, souffre sans te plaindre, puisqu'il est dit que les tribulations et les peines doivent être l'affreux partage de la vertu ; n'importe, je ne m'en dégoûterai jamais. »



Je n'étais point au bout de ces exemples frappants du triomphe des vices, exemples si décourageants pour la vertu, et la prospérité du personnage que j'allais retrouver devait me dépiter et me surprendre plus qu'aucune autre, sans doute, puisque c'était celle d'un des hommes dont j'avais reçu les plus sanglants outrages. Je ne m'occupais que de mon départ, lorsque je reçus un soir un billot qui me fut rendu par un laquais vêtu de gris, absolument inconnu de moi ; en me le remettant, il me dit qu'il était chargé de la part de son maître d'obtenir sans faute une réponse de moi. Tels étaient les mots de ce billet :


 

Un homme qui a quelques torts avec vous, qui croit vous avoir reconnue dans la place de Bellecour, brûle de vous voir et de réparer sa conduite : hâtez-vous de le venir trouver ; il a des choses à vous apprendre, qui peut-être l'acquitteront de tout ce qu'il vous doit.




Ce billet n'était point signé, et le laquais ne s'expliquait pas. Lui ayant déclaré que j'étais décidée à ne point répondre que je ne susse quel était son maître :
- C'est M. de Saint-Florent, mademoiselle, me dit-il ; il a eu l'honneur de vous connaître autrefois aux environs de Paris ; vous lui avez, prétend-il, rendu des services dont il brûle de s'acquitter. Maintenant à la tête du commerce de cette ville, il y jouit à la fois d'une considération et d'un bien qui le mettent à même de vous prouver sa reconnaissance. Il vous attend.





Mes réflexions furent bientôt faites. Si cet homme n'avait pas pour moi de bonnes intentions, me disais-je, serait-il vraisemblable qu'il m'écrivît, qu'il me fît parler de cette manière ? Il a des remords de ses infamies passées, il se rappelle avec effroi de m'avoir arraché ce que j'avais de plus cher, et de m'avoir réduite, par l'enchaînement ; de ses horreurs, au plus cruel état où puisse être une femme. . Oui, oui, n'en doutons pas, ce sont des remords, je serais coupable envers l'Être suprême si je ne me prêtais à les apaiser. Suis-je en situation d'ailleurs de rejeter l'appui qui se présente ? Ne dois-je pas bien plutôt saisir avec empressement tout ce qui s'offre pour me soulager ? C'est dans son hôtel que cet homme veut me voir : sa fortune doit l'entourer de gens devant lesquels il se respectera trop pour oser me manquer encore, et dans l'état où je suis, grand Dieu ! puis-je inspirer autre chose que de la commisération ? J'assurai donc le laquais de Saint-Florent que le lendemain, sur les onze heures, j'aurais l'avantage d'aller saluer son maître, que je le félicitais des faveurs qu'il avait reçues de la Fortune, et qu'il s'en fallait bien qu'elle m'eût traitée comme lui.

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