A l'occasion des grandes cérémonies, les mandarins viêtnamiens portent de magnifiques tuniques taillées dans du brocart; de ces habits, les deux pans qui tombent jusqu'aux genoux forment l'essentiel du vêtement.
Un mandarin donc, devant officier une cérémonie, convoque le tailleur le plus réputé de sa province, et lui commande une robe pour la circonstance.
Après avoir pris les mesures du "Chef de la province" et choisi le tissu, le tailleur, respectueusement se retire à reculons de l'office mandarinal.
Au chef du protocole qui le raccompagne jusqu'à la sortie du yamen notre tailleur pose cette question:
- Monsieur, puis-je savoir depuis combien de temps notre respectable mandarin est-il en fonction?..
- Mals quelle question!.. quel rapport peut-il y avoir entre la coupe de la robe de notre seigneur et son ancienneté?..
- Il m'est important de le savoir, car Si vous permettez, j'ai pu observer durant ma longue carrière qu'un jeune mandarin nouvellement promu, pénétré de son importance, prend en public une allure altière, porte la tête haute et bombe le torse... Il est donc nécessaire d'en tenir compte et de couper le pan de devant plus long que celui de derrière pour les ajuster...
Au fil des ans, il faut diminuer peu à peu l'inégalité des pans jusqu'au moment où le mandarin arrive au milieu de sa carrière.
Plus tard, pour notre mandarin courbé sous l'âge, rendu sage par une longue carrière remplie d'expériences, il faut tailler le pan de devant plus court que celui de derrière.
Un bon tailleur ne doit pas seulement bien savoir prendre les mesures et avoir un coup de ciseaux habile, il doit aussi connaitre l'ancienneté du mandarin et son caractère...
Paul MARCEL,