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Les Petits Potins de L'Histoire

Les Petits Potins de L'Histoire

Bienvenue sur "Petits Potins de L'Histoire" J'espère que vous prendrez plaisir à me lire .... N'hésitez surtout pas à me proposer des idées ou de créer vous même un article, je mettrai en ligne avec plaisir...


Les dix sous de Marthe - Louise Michel

Publié par Kitty sur 27 Décembre 2007, 18:52pm

Catégories : #Contes et Légendes

Combien de choses on souhaite! combien de choses on

rapporte à propos du jour de l’an.

Voilà une de celles qu’on raconte; quant à celles qu’on

peut souhaiter, en voilà une aussi : vivez et mourez en paix

avec votre conscience.

La petite Marthe avait reçu un grand nombre de jouets et

une quantité prodigieuse de bonbons. Comme elle n’avait que

six ans, on n’était pas encore à midi qu’elle était déjà lasse

des jouets et rassasiée de bonbons.

Marthe demanda alors à sa grand’tante, qui la gâtait

beaucoup, de vouloir bien venir un peu se promener avec

elle.

La bonne vieille ne prit guère d’argent, car elle savait

qu’elle ne refuserait rien à Marthe, tant qu’elle en aurait, et

elle ne voulait pas lui apprendre à prodiguer pour ses

caprices.

Le temps était beau, mais il faisait grand froid; Marthe

enfonçait ses bras, tant qu’elle le pouvait, dans un manchon

presque aussi gros qu’elle.

Les boulevards étaient couverts de boutiques, et Marthe

fit tant d’achats, pour commencer, que bientôt la grand’tante

n’eut plus qu’une pièce de dix sous.

La petite fille avait plein les bras et plein son manchon

d’objets fort éclatants, coûtant très peu et ne valant pas

davantage.

Sachant qu’il n’y avait plus beaucoup à dépenser, elle

s’avisa de penser aux petits enfants qui avaient passé leur

jour de l’an sans jouets et sans bonbons.

C’était fort vilain d’y avoir songé si tard, mais Marthe

n’avait encore que six ans et, au fond, elle n’avait pas

mauvais coeur.

Du reste, sa tante la gâtait trop et d’une manière qui

n’était pas raisonnable.

Au moment où elle commençait à penser aux autres assez

tardivement, deux enfants, plus petits qu’elle, frappèrent ses

regards; ils étaient si pâles et paraissaient si tristes que la

bonne tante en fut frappée comme elle.

Le plus âgé, vêtu fort proprement de noir, mais d’une

manière trop légère pour la saison, était arrêté pour ajuster au

cou de son frère, qui grelottait quoique plus chaudement

habillé, sa petite cravate de laine, et il avait, le pauvre enfant,

son petit cou tout violet de froid.

« Où allez-vous ainsi, mes petits amis? leur demanda la

tante.

– Nous revenons, madame, répondit l’aîné, de chez une

dame amie de maman que nous n’avons pas trouvée chez

elle, et nous rentrons à la maison.

– Oui, ajouta le petit avec cette confiance naïve de

l’enfance, nous allions chez madame Paul, afin qu’elle nous

donne un peu d’ouvrage pour maman et avoir de quoi acheter

du pain. »

Et comme l’aîné le regardait de travers pour faire cesser

son bavardage, la dernière petite pièce de dix sous était dans

la main du petit, et Marthe avec sa tante se sauvaient pour

que l’aîné ne la leur rendit pas.

Quand elles furent loin, Marthe se mit à pleurer. « Ô ma

tante! dit-elle, combien je regrette d’avoir acheté tant de

joujoux! nous aurions pu donner bien davantage à ces

pauvres enfants! »

Dix ans après, Marthe, jeune fille de seize ans, reçue

institutrice depuis quelques mois, avait fait de la vie un rude

apprentissage dont elle était loin de se douter autrefois.

Ses parents n’avaient pas réussi dans leur commerce et,

faute d’une petite somme de cinq à six cents francs, on

pouvait leur faire une mauvaise affaire.

Marthe venait d’entrer comme sous-maîtresse dans un

externat. Elle devait gagner huit cents francs au bout de

l’année; mais n’étant payée que par mois, il lui était

impossible d’offrir tout de suite la somme due par son père

pour des marchandises non encore vendues.

S’il ne payait pas à l’échéance, son billet serait protesté.

S’il rendait les marchandises, ne pouvant payer, il lui

fallait fermer son magasin.

Une idée vint à Marthe, elle la communiqua à la

grand’tante, alors âgée de quatre-vingts ans, et qui la

chérissait comme par le passé.

Elle l’eût même encore gâtée si Marthe n’eût été

raisonnable.

« Ma tante, dit la jeune fille, il me semble que nous

pouvons obtenir un arrangement du créancier de mon père;

gagnant huit cents francs par an, je puis lui en donner

cinquante tous les mois, le jour où je toucherai mes

appointements. Peut-être acceptera-t-il. »

La bonne vieille approuva l’idée, et voulut accompagner

sa petite fille.

Lorsqu’elles arrivèrent chez Marcel frères, toutes deux

furent fort surprises de voir sur l’enseigne du commerçant

une pièce d’argent sculptée en relief avec cette inscription :

(Aux cinquante centimes du jour de l’an).

Elles se souvinrent des cinquante centimes de Marthe et

n’osant se communiquer leur pensée, elles entrèrent dans le

magasin.

L’aîné des frères Marcel était assis au bureau, faisant

l’office de caissier; le plus jeune remplissait l’emploi de

garçon de magasin; une femme paraissant plus souffrante

qu’âgée, remplaçait tantôt l’un, tantôt l’autre de ses fils.

Marthe, que la grand’tante aimait à entendre parler, parce

qu’elle en était idolâtre, exposa le but de leur visite très

simplement, mais avec une énergie qui prouvait qu’on

pouvait se fier à sa parole.

Marcel, l’aîné, à qui elle s’était adressée, appela sa mère

et son frère.

Il avait reconnu, non pas Marthe, grandie énormément,

mais la bonne vieille, qui depuis dix ans avait à peine changé.

« Nous avons, dit-il, l’honneur de voir celles qui sont

cause de notre aisance. »

Et comme sa mère et son frère s’étaient empressées

d’entourer les deux arrivantes, il raconta qu’après le départ

de Marthe et de la vieille dame, il les avait longtemps

cherchées, car ni lui ni son frère ne demandaient l’aumône.

En rentrant chez leur mère, comme il ne pouvait se

consoler, l’amie chez laquelle il n’avait trouvé personne entra

à son tour; elle apportait de l’ouvrage et un peu d’argent.

On put donc acheter du pain sans toucher à la petite pièce

qui avait rendu le coeur si gros à l’aîné.


Il fut même tout à fait consolé dans sa fierté quand sa

mère lui dit : « Peut-être qu’à ton tour tu pourras rendre, si tu

travailles, des services aux autres sans les offenser. »

Félix Marcel, ayant réfléchi là-dessus, demanda la pièce

de dix sous pour en faire l’usage qu’il voudrait, annonça qu’il

ne rentrerait que le soir et prit à la main son petit frère, qu’il

ne quittait jamais, avec un air de résolution comme s’il eût

été à la conquête du monde.

Les deux amies, l’ayant laissé sortir avec un sourire, car

c’était un brave enfant en qui on pouvait avoir confiance,

s’amusèrent à le suivre de loin.

Félix, tenant toujours son petit frère par la main, alla

jusqu’à une marchande d’objets à un sou et lui demanda si

elle pouvait lui en vendre pour dix sous, au prix des

marchands, – car il allait entrer dans le commerce!

La marchande partit d’un interminable éclat de rire; mais

comme c’était justement à cette même place que l’enfant

avait tant cherché la dame aux dix sous, elle se douta de

quelque projet courageux.

Non seulement elle ajouta aux objets une forte pacotille

en disant : « Tu me paieras ceux-ci quand tu auras une

recette, » mais elle prit les deux frères sous sa protection, et

leur arrangea une toute petite table devant la sienne. 
Tous
trois étaient, le soir, tellement amis, qu’ils ne pouvaient plus

se séparer. Ils gagnèrent ce jour-là le triple de leur mise. 
La
bonne marchande n’avait pas d’enfants. Quand l’époque du

jour de l’an fut passée, elle les prit pour l’aider dans sa petite

boutique, sous prétexte qu’ils lui seraient fort utiles, car Félix

n’y aurait pas consenti sans cela.


Le commerce avait prospéré; en dix ans, la boutique de la

mère Hortense était devenue un gros magasin où vivaient les

deux veuves et les deux frères.

Tout cela, grâce aux dix sous de Marthe!

Félix en était là de son récit, quand rentra la mère

Hortense qui revenait tout à propos de quelques courses.

Je vous laisse à penser, chers enfants, quel accueil on fit à

Marthe et à la grand’tante.

Félix exigea que les six cents francs ne lui fussent remis

qu’au bout de quatre ans.

À cette époque-là, le père de Marthe ayant fait de

meilleures affaires, le magasin des frères Marcel ayant

continué à prospérer, tout le monde fut d’avis que pour la fête

de la bonne grand’tante on prêtât chacun cent francs à six

orphelins dont les uns avaient à soutenir leur mère, les autres

leurs petits frères.

La bonne vieille, ce jour-là, pleura de joie, et cette action

porta bonheur à tous, car elle vécut longtemps encore et les

six commerces prospérèrent.

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M
<br /> Un peu de bonheur et de fraîcheur à l'approche de Noël!!!!!!!!!! Joli!!!!!!!!!! et ici, ce conte est proche de la vie quotidienne!!!!!<br /> Merci et bisou argentin! <br /> <br /> <br />
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